Cette photographie a été réalisée en 1973 à l'Asahi Pentax Spotmatic II sur
diapositive Kodachrome II. Elle m'avait inspiré un diaporama (Le mur)
que vous pouvez voir sur ce même site.
Le tag se trouvait sur le mur d'un immeuble sur lequel allait s'appuyer
une construction neuve. Il était visible par tous ceux qui prenaient la
ligne de Sceaux (aujourd'hui, appelée ligne B du RER) entre les stations
Port Royal et Gentilly, là où la ligne sortait de sa phase souterraine.
J'ai quelque
chose à dire, mais je ne sais pas quoi
Par Jean-Pierre Dufreigne*,
publié le 16/04/1998.
C'est ça. Ferme-la. Un graffiti vrai et joyeux de gamin déjà vieux
s'est confit en détresse humaine. Pour laquelle on décida que d'autres
mettraient des mots précis sur une pensée ressentie confusément en soi.
Ce qui engendra langue de bois et pensée unique. Nous avons quelque
chose à dire. Et nous savons quoi. Que même si rien ne va plus, la vie
n'est pas une roulette. Mais pourrait redevenir un jeu. Un truc radieux.
Qui n'a pas de mots pour se dire. Pas en slogan, en tout cas. Qu'un
discours jamais n'abolira la douleur ; que se taire est s'enfermer en un
linceul. Mais au moins c'est du lin doux. Qu'on est seul comme jamais
dans un fracas de bruits. Qu'une issue est la folie, le meurtre en
série, l'autisme. Pas la poésie. Il faut parler. On vous paiera pour ça.
Câbles, chaines numériques, débats programmés mangent de ce pain-là.
Mais il est tant de «gens» avec lesquels on ne parle pas. J'ai quelque
chose à dire qui ne plaira pas. Je ne sais pas, mais je crois que je ne
vous aime pas. Je ne m'aime pas non plus. C'est ce qu'on a voulu.
* Ecrivain journaliste, critique cinéma à l’Express
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