07-12-2021 : Paroles d'Albert Jacquard (Biologiste, généticien …)

Toujours d'actualité :

« Plus que jamais, il nous faut avoir une réponse claire à la question de toujours : UN HOMME QU'EST QUE C'EST ? Plus que jamais, car sa survie est en cause. Tout au long de l’évolution du monde vivant, des espèces sont apparues, se sont développées, puis un jour, comme les grands sauriens à la fin du secondaire, ont disparu, faisant place à d’autres.
Est-ce le tour de l’homme ?
Parmi ceux qui s’efforcent de regarder la réalité d’aujourd’hui, certains acceptent cet aboutissement, présenté comme une fatalité. Le fait que cette fin, inéluctable à longue échéance, soit provoquée prématurément par l’homme lui-même ne leur
paraît qu’un détail dérisoire. Une telle soumission à la règle commune me paraît inacceptable, car elle ne tient pas compte de la spécificité de notre espèce ...
Nous sommes aujourd’hui face à une bifurcation dont le seul mérite est d’être clairement définie :

Ou bien les hommes extrapolent les attitudes qu’ils ont adoptées depuis quelques siècles. Ils continuent à agir comme si la seule finalité des divers groupes, ethnies, Églises, nations, était leur propre perpétuation. Chaque société se referme sur elle-même, inquiète, obsédée par le danger que représentent les autres, prête à affecter la plus grande part de ses ressources économiques, intellectuelles, humaines, à la préparation de sa défense. Tous les moyens apparaissent justifiés à chacun pour faire triompher sa propre cause. L’accumulation de ces craintes aboutit au surarmement, et l’issue, à échéance plus ou moins proche selon le hasard des choses, est inéluctable : un conflit général qui précipite la totalité de l’espèce (et beaucoup d’autres avec elle) dans le néant ;

Ou bien les hommes acceptent de regarder en face la réalité d’aujourd’hui. Ils constatent que leurs sorts sont liés ; que lorsque la cloche sonne, quelque part sur la terre, à Kaboul ou à Santiago, le glas concerne chacun de nous, où qu’il soit ; que la violence est devenue à la fois meurtrière pour celui qui en est victime et suicidaire pour celui qui y a recours. Ils admettent alors que de nouvelles méthodes doivent être aussi mises au point pour résoudre les inévitables conflits.

Comment faire pour que l’histoire humaine s’oriente vers cette seconde voie ? D’abord accélérer la prise de conscience de la réalité. Nous sommes tentés de nous réfugier dans les satisfactions que procurent nos activités étroitement locales : le mathématicien ajoute un terme à son équation, le chimiste met au point un nouveau produit, l’historien précise la date d’un lointain évènement... et ils ne prêtent pas attention au sol qui s’effondre sous eux pendant qu’ils travaillent ou qu’ils rêvent. Là est sans doute la grande responsabilité des « clercs » d’aujourd’hui, s’ils ne veulent pas trahir leur mission : faire entendre le cri qui réveillera leurs contemporains.
Ensuite
entraîner une adhésion générale à une définition de l’homme.
Tant que des hommes pourront être méprisés et rejetés vers des destins médiocres, au nom de la couleur de leur peau, de la forme de leur nez, ou du niveau de leur QI, c’est le sort de tous qui sera en péril. Indépendamment de toutes les opinions, de toutes les croyances, de toutes les options, il doit être possible de dégager un regard commun des hommes sur eux-mêmes. 
» La bifurcation (Juin 1987)

Bien évidemment il convient de lire la totalité de ce texte qui invite à la réflexion … aussi sur la croissance ...