Née à New York, et vivant à Paris depuis 1971, "franco-américaine"
comme elle aime à le souligner, Jane Evelyn Atwood est l’auteure de dix
livres de photographies dont Trop de peines, femmes en prison
(Albin Michel 2000), un travail monumental qui reste jusqu’à aujourd’hui
une référence photographique au sujet de l’incarcération féminine ;
Sentinelles de l’ombre (Le Seuil, 2004), sur les ravages des mines
antipersonnel au Cambodge, au Mozambique, en Angola, au Kosovo et en
Afghanistan ; Haïti, trois ans en couleurs dans ce pays de
contrastes (Actes Sud, 2008) ; Jane Evelyn Atwood, une
monographie (PhotoPoche#125, Actes Sud 2010), et Rue des Lombards
(aux éditions Xavier Barral, 2001), nouvelle édition de son premier
projet photographique sur les prostituées parisiennes réalisé en
1976-1977.
Ses travaux photographiques mobilisent Jane Evelyn Atwood sur
plusieurs années, jusqu'à ce qu'elle puisse, avec patience et
engagement, pénétrer des lieux inexplorés et faire le portrait de
communautés humaines que l'on considère parfois comme étant "à la
marge". Son projet : inclure les exclus, montrer ce qu'on ne voit pas et
participer à l’iconographie des réalités du monde, même les plus
sombres.
Jane Evelyn Atwood a été récompensée par les prix les plus
prestigieux, dont la bourse de la Fondation W. Eugene Smith, le Grand
Prix Paris Match du Photojournalisme, le Prix SCAM, le Prix Oskar
Barnack de Leica Caméra, et un Prix Alfred Eisenstadt. La Maison
Européenne de la Photographie lui a consacrée une première rétrospective
en 2011, ainsi que le Botanique en Belgique en 2013.
"Pourquoi la photographie et pas autre chose ? C’est à cause
des photographies de Diane Arbus que j’ai vues aux Etats-Unis. Je
suis allée à cette exposition avec ma sœur, pas pour ses
photographies, mais parce qu’on savait que Diane Arbus s’était
suicidée. On avait eu un suicide récemment dans la famille, ça nous
obsédait (...). Les personnes photographiées par Diane Arbus ne
m’ont jamais quittée."
Jane Evelyn Atwood
"Mon école, c’est le 19 rue des Lombards !"
"Je ne savais pas que les prostituées vivaient dans la rue.
Elles étaient belles, elles étaient incroyables. J’ai voulu les
connaître, tout simplement. Et la photographie paradoxalement m’a
donnée l’occasion de les connaître. (…) dans le couloir, une ampoule
nue donnait une faible lumière, c’était très crade, il y avait une
odeur de pisse, les femmes fumaient beaucoup, écrasaient leurs
mégots sur les murs donc il y a de grandes traces noires. J’avais
peur, j’étais très impressionnée et en même temps j’étais
extrêmement excitée : je sentais que j’allais là où je voulais
vraiment être. J’adore les interdits, les découvrir, les pénétrer.
J’ai tout appris de la photographie dans cet immeuble. J’ai appris
la lumière et surtout le manque de lumière. J’ai appris la patience,
j’ai appris à écouter, c’est presque encore plus important que de
regarder dans le travail que je fais. J’ai appris aussi à ne pas
être trop gourmande, à savoir quand il ne faut pas prendre de
photos, c’est aussi très important, tu peux te faire tuer si tu ne
fais pas ça. J’ai appris à compter sur mes instincts."
Jane Evelyn Atwood
Qu'est-ce qu'une bonne photographie ?
"Il faut que la photo émeuve les personnes. Si une photo te
laisse indifférent, c’est une photo ratée. Une photo peut être
totalement sauvage, pas parfaitement prise, mais s’il y a une force
dans cette photo, une claque, si ça t’émeut d’une manière ou d’une
autre, c’est une bonne photo généralement."
Jane Evelyn Atwood
|